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Dynamiques sectaires et radicalisation

ICSA

06 Sep 2017

Bordeaux – 28 juin au 01 juillet 2017

La radicalisation mystifiante
E. BAUZA
Samedi 01 juillet 2017

L’homme ne possède pas naturellement une logique interne des relations causales. Au contraire, bien souvent, son entourage de proximité (famille : premier milieu socialisateur ; défaut de « Parental Management ») va influencer sa manière de percevoir, de penser, de communiquer et d’agir.
Le conflit naît alors de la croyance naïve que notre propre perception de la réalité interpersonnelle, sociale, culturelle, du fait religieux, est, de toute évidence, la seule possible et exacte et qui doit nécessairement s’imposer. L’Autre, dénié dans sa pensée, ses croyances, ses valeurs, est ainsi considéré comme « fou » ou « mécréant » ou « ennemi » pour oser percevoir différemment…
L’errance psychique, identitaire, géographique, le sentiment de vide intérieur avec perte de l’ancrage généalogique et narcissique entrainent l’émergence d’une colère anarchique. Cette colère, comme lors de la crise de l’adolescence avec la quête d’un idéal, touche les domaines intrafamiliaux et intergénérationnels, le culturel, l’histoire, le sociétal, le religieux… Il s’agit de s’opposer, souvent de manière opportuniste, sans avoir identifié au préalable la ou les cibles de projections des affects désorganisés.

Cette colère anarchique qui se nourrit, mais pas toujours, d’une réalité sociale et culturelle peu avantageuse, fait le lit d’une rébellion tout autant anarchique, justifiée par un vécu d’échec avec des sentiments persécutoires d’exclusion et de marginalisation.
Il en résulte l’éclosion d’un sujet (au Moi déjà friable et fragmenté) narcissiquement fragile, vulnérable, suggestible et influençable, au sentiment océanique de dés-appartenance globale, avec absence d’idéal, de projet, perte de l’estime de soi, de l’amour propre et fort sentiment d’inutilité.
Confusion et perte de repères se rejoignent pour recevoir, et à la fois alimenter un discours de rupture (famille, valeurs d’une société, religieux) avec fuite en avant vers un idéal captatif de haine, une tromperie organisée…

L’apport de discours de propagande (écrits, réseaux sociaux, vidéos, prisons, prêches…) valorise le Moi-Idéal, le Soi grandiose, la toute-puissance, jusqu’à apprivoiser la pulsion de mort et décider du lieu et de l’heure de sa mort. Le mécanisme de Projection est clairement identifié, « Je les hais car ils me haïssent » dans une confrontation frontale pur/impur justifiant tout passage à l’acte.

Un discours de mystification…
« Ce que vous voyez, entendez ou ressentez est faux ! Moi je vous guide et vous dis comment les choses sont ; c’est-à-dire ce que vous devez voir, entendre, ressentir et comment vous devez agir… ».

La manipulation mentale et l’emprise captative par reconstruction psychique sont désormais en mouvement, où l’on ne peut se fier désormais qu’à l’autre (manipulateur) car il est maintenant impossible et impensable de se fier à soi-même…
En déguisant les formes de manipulations mentales sous des apparences idéales et de bienveillance, les émetteurs-recruteurs dupent les individus en les amenant à se sentir solidaires de leurs thèses radicales et reconnaissants d’être admis, élus, au sein d’un groupe social salvateur et protecteur dans lequel il existe un fort sentiment de cohésion et d’utilité jusqu’à en perdre la vie et où tout conflit de loyauté est une félonie.
Les récepteurs-victimes d’une « communication mystifiante » portant sur des théories extrémistes et jusqu’auboutistes sont mis ainsi dans l’incapacité de se fier à leurs propres perceptions de la réalité. Ils se trouvent pris au piège dans une situation intenable car dans l’impossibilité de démystifier les discours captatifs. La victime mystifiée est trompée, sans avoir le sentiment que son engagement se prête à la mascarade organisée d’une idéologie fanatique menée par des manipulateurs de l’âme…

Dans l’approche méthodologique des manipulateurs, les règles de base des rapports humains sont volontairement sans cesse définies et redéfinies d’une autre manière, sous une autre forme, dans une nouvelle optique. Ainsi, les victimes vont errer dans un entre-deux fait de glorifications et de blâmes jusqu’à destruction complète de l’équilibre mental.
(Searles : « L’effort pour rendre l’autre fou », Brit Journal of Med. Psychologie, 32,1, 1959).

Il n’est donc pas possible pour les victimes ciblées, puis recrutées, de se comporter avec logique et cohérence dans un système malade, illogique et incohérent avec des règles étouffantes strictes et volontairement contradictoires.
Les systèmes radicalisés apparaissent comme circulaires ; ils semblent dans l’incapacité de générer des règles permettant de changer leurs règles ; prisonniers d’un « système morbide sans fin »…
La radicalisation mystifiante dans la manière imposée de percevoir, d’entendre, de ressentir, de penser, de communiquer et enfin d’agir est alors destructrice, à la fois meurtrière et suicidaire.

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